mercredi 27 février 2013

Répliques (France Culture) sur l'autorité en démocratie

Je serai, avec Jean-Claude Monod, l'invité d'A. Finkielkraut dans l'émission Répliques
France Culture (samedi 3 mars 2013 : 9h10-10h) : De l'autorité en démocratie.

lundi 25 février 2013

Une crise de l'autorité ?


Une crise de l’autorité ?

La France a-t-elle un problème avec l’autorité ?

Contrairement à ce qu’on pourrait penser l’autorité est redevenue un sujet parfaitement consensuel, au-delà des clivages sociaux, politiques ou même générationnels. Dans toutes les enquêtes « valeurs », qui sont régulièrement menées, le mot arrive en bonne place dans la hiérarchie des principes nécessaires d’une société. Et les élèves des collèges et des lycées ne sont pas les derniers à réclamer des repères solides, des règles fixes et principes clairs.

D’où vient que nous ayons pourtant le sentiment que l’autorité est en crise, voire en déclin ?

De la nostalgie d’une autorité absolue — appelons-la, « autoritarisme » — qui avait beaucoup d’inconvénients, mais un avantage : celui d’être fixe et indiscutable ; on dirait  aujourd’hui : non-négociable. Or c’est cet autoritarisme qui est mort avec l’esprit critique propre aux temps démocratique. A l’argument d’autorité, nous préférons l’autorité de l’argument, pour le meilleur comme pour le pire. Pour le meilleur, c’est l’esprit critique ; pour le pire, c’est la négociation permanente et le refus de règles qui s’imposent à nous et devraient nous en imposer : la politesse, la civilité, les règles de grammaire, les savoirs, … toutes ces choses qu’il n’est pas possible d’inventer sur « ressources propres ».

La fin de l’autoritarisme, c’est mai 68, et le slogan « il est interdit d’interdire » ?

Mai 68 n’est que le terme d’un processus ancien qui est celui de la modernité elle-même : lorsque surgit le doute (Luther, Descartes, …) à l’égard des fondements traditionnels, naturels et religieux des vérités ultimes. La crise de l’autorité n’est pas récente ; elle se confond avec les temps modernes.  On pourrait plutôt dire que, depuis 68, nous sommes entrés dans une phase où les tentatives de reconstruire l’autorité ou de la réinventer ont pris le pas sur les efforts de la déconstruire et de la contester. Mais ces tentatives sont encore très tâtonnantes.

Qu’est-ce qui fait encore autorité aujourd’hui ?

Réponse en forme de boutade : ce qui fait autorité, c’est la critique de l’autorité. Mais c’est juste pour montrer qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’inventer une autorité compatible avec l’esprit démocratique. Sinon, on croit très fort en la compétence. Mais cette forme d’autorité ne suffit pas puisqu’on se méfie aussi des pouvoirs de l’expert et de la technocratie. Il y a aussi le charisme que l’on exige par exemple de l’enseignant ou du politique, en plus de sa compétence. Mais là encore on finit par se méfier de ces leaders trop charismatiques, un peu gourous : il suffit d’ailleurs de traduire leader en allemand pour s’en convaincre : Führer ! Il y a enfin la responsabilité, l’attention aux autres, voire la compassion qui offre une figure puissante d’autorité : celle que Saint Augustin, appelait l’« autorité de service ».  Pensons à l’abbé Pierre ou à sœur Emmanuelle … Mais cette responsabilité peut être problématique quand elle dérive dans une compassion lénifiante. Compétence, charisme, responsabilité : voilà sous réserve d’inventaire les trois formes de l’autorité contemporaine. Chacune de ces trois formules comporte ses  atouts et ses faiblesses ; et nous devons vivre avec cette ambivalence. Le grand défi est de parvenir à les incarner d’une manière solide.

Est-ce possible ? Ou faut-il renoncer à toute espèce de sanction, de punition ?

Le critère qui distingue une bonne sanction d’une mauvaise est en vérité très simple à énoncer. La mauvaise sanction est arbitraire et injustifiable ; la bonne sanction est celle qui permet à un enfant de grandir. L’enfant n’appartient ni à ses parents ni à la société ni à l’Etat ni à Dieu, mais à l’adulte qu’il sera plus tard. C’est donc au nom de cet adulte en devenir qu’il faut déterminer si une sanction est justifiée ou non. Quand on est parent et éducateur, on peut se faire des nœuds dans le cerveau avec cette règle ; mais c’est le seule critère dont nous disposons et le seul qui fasse autorité : il se fonde sur l’autorité de l’âge adulte, pour lequel il convient de plaider avec puissance.


Qu’est-ce que l’autorité ?

Il faut distinguer l’autorité du pouvoir, ne serait-ce que parce qu’il peut y avoir du pouvoir sans autorité (l’autoritarisme du petit chef) et de l’autorité sans pouvoir (la sérénité du vieux sage). L’autorité se distingue aussi de la contrainte par la force, qu’elle permet d’éviter, et de l’argumentation rationnelle, qu’elle dépasse. L’autorité n’a besoin ni d’imposer ni de justifier. L’étymologie du terme est intéressante. Le mot vient du latin augere qui signifie augmenter. L’autorité est donc une opération un peu mystérieuse qui augmente un pouvoir (le petit chef devient alors un grand homme) ou un argument (puisque l’argument d’autorité est censé avoir plus de valeur que les autres).
   
Pierre-Henri Tavoillot

Qui doit gouverner ? Une brève histoire de l’autorité, Grasset, 2011

Les Métamorphoses de l’autorité. Introduction à la philosophie politique, un cours particulier de Pierre-Henri Tavoillot en 4 CDS, Fremeaux & Associés, 2012.

samedi 23 février 2013

vendredi 15 février 2013

A quel âge est-on vieux ?


Et sur France Inter, la Tête au carré du 15 février 2013.
Tout le monde semble avoir accueilli favorablement la renonciation du pape : certains y ont même vu un valeureux acte de courage et de lucidité. A certains égards, c’est vrai, il faut bien le reconnaître …  Mais comment ne pas voir aussi qu’il s’agit d’une nouvelle victoire du jeunisme ! Le métier de pape était un des rares restant où l’on pouvait vieillir sans peur et sans reproche ; où l’on pouvait même être gâteux sans que personne n’y trouve rien à redire. Désormais, c’est fini : à part, peut-être le job de philosophe où, en dépit de la courte parenthèse des nouveaux philosophes, la valeur doit patiemment attendre le nombre des années, il ne reste plus aucun boulot pour le grand âge ; même les vieux dictateurs finissent pas lâcher : voir Fidel Castro !
Plus sérieusement, l’argumentation de Benoît XVI pour justifier son renoncement est aussi intéressante qu’émouvante : s’il a pris la décision de renoncer, ce n’est pas de bonne grâce si je puis dire. Car d’un point de vue théologique, il s’agit d’une forme de rupture, par décision unilatérale, d’un lien quasi conjugal et sacré entre le pape et son Eglise : bref, c’est un divorce. Mais Joseph Ratzinger le reconnaît : le monde va désormais trop vite au regard des responsabilités politiques et géopolitiques qui incombent au chef de l’Eglise, et les conséquences d’une mauvaise décision, d’un mauvais discours ou d’un retard à agir pourraient être incalculables. Bref, le motif de la renonciation est politique et non pas théologique : c’est tout le dilemme de l’Eglise, depuis ses origines romaines, qui est assise le cul entre deux trônes : l’ici-bas et l’au-delà, le terrestre et le céleste. Comment l’Eglise éternelle doit-elle s’occuper d’un temporel de plus en plus pressé.
Ce qui nous ramène à cette question : dans cet univers de l’urgence, à quel âge devient-on vieux ?
Aristote, le maître de Saint Thomas, lui-même inspirateur de Ratzinger, avait à cette question une réponse aussi limpide que simple : le sommet de la vie (bios en grec), qui est comme un arc (bios en grec = jeu de mot !), se situe à 35 ans pour le corps et à 49 ans, environ, pour l’esprit.
            Le choix de ces nombres n’est pas dû au hasard, il est le fruit aussi bien d’une observation empirique (à part Beckham, il y a peu de footballeur de plus de 35 ans) et d’une numérologie physique : les chiffres sont à l’époque des entités physiques porteuses de sens.
            Mais le plus surprenant est que les recherches contemporaines les plus pointues, les plus sophistiquées et les plus récentes viennent donner raison à Aristote, ou presque : elles affirment que le « plus bel âge cérébral » (titre de la revue Sciences et Avenir de mars 2012) se situe plutôt vers 45 ans. C’est ce que montre une étude conduite par Archana Singh-Manoux, directrice de recherche à l’INSERN et publiée en 2012 dans le British Medical Journal (« Timing of onset of cognitive decline : results from Whitehall II prospective cohort study », le 5 janvier 2012). A partir du suivi médical d’une cohorte de plus de 7 000 hommes et femmes, l’étude montre que les tests de performances cognitives (par quoi il faut entendre la mémoire, le raisonnement, la fluidité du vocabulaire) commencent à se dégrader de manière significative à cet âge. Bien sûr, tout le monde n’est pas concerné ou l’est plus ou moins (les femmes d’ailleurs le sont moins), mais le fait est là : l’esprit décline au cours de la quarantaine.
            On aura pourtant quelque réticence à voir là le véritable début de la vieillesse, d’autant qu’aujourd’hui celle-ci est devenue à la fois plus longue et plus confortable sinon pour tous, du moins pour beaucoup. Si Montaigne pouvait se déclarer vieux à 40 ans, si pour Balzac la femme de 30 ans avait sa vie derrière elle, il sera aujourd'hui difficile d'envisager cet âge comme marquant la fin, voir seulement le début de la fin.
            Ni la retraite ni la grand-parentalité ne constituent plus des repères fiables : la retraite est à 60 ans et la grand-parentalité moyenne en France se situe autour de 52 ans. On n’est pas vieux !
            Alors à quel seuil se vouer ? Interrogés par sondage, les Français répondent 75,4 ! Evidemment c’est une moyenne et qui, de plus, ne prend pas en compte ce que bien souvent les personnes interrogées ajoutent, à savoir que « la vieillesse, ce n’est pas une question d’âge » et qu’il existe des jeunes bien vieux (« dans leur tête ») et des vieux dont l’énergie et le charisme font envie.
            La vieillesse apparaît donc plus comme une expérience personnelle — un certain « rapport au monde » —, que comme un seuil administratif. Comment la définir ? Jean Baudrillard avait une belle formule au début de ses Cools Memories : il définissait l’entrée dans la vieillesse, comme le sentiment de vivre le premier jour du reste de sa vie. On cesse alors de grandir pour commencer à s’élargir. C’est d’ailleurs une règle pour l’esprit … comme pour le corps.

samedi 9 février 2013

Une petite énigme


Les débats récents autour de l'homoparentalité remettent sur le métier la question de la définition de la parentalité : qu'est-ce qu'un parent ? Et qui est le vrai parent ? 
La tentation est grande ici de recourir au concept de Pluriparentalité (cf. par exemple :  Didier Le Gall, Yamina Bettahar (dir.), La pluriparentalité, PUF, 2001) qui distinguerait filiation génétique, parenté biologique, parenté juridique, parenté sociale, …

Pour illustrer cette idée, imaginons une petite histoire, celle d’un enfant — appelons-le Adève —, …
1) dont les parents génétiques (X est le père et Y est la mère) ont eu recours à une FIVETE (X & Y sont les parents génétiques)
2) Mais, juste avant le transfert, l’embryon est dérobé par une jeune femme appelée Gaia (qui avait d’ailleurs quelques temps auparavant tenté de braquer sans succès une banque du sperme) et qui va, son forfait accompli, en Russie se faire implanter l’embryon dans la clinique privée du Dr Popov (Gaia est la mère porteuse biologique)
3) Mais Gaïa, touchée par la grâce, décide de devenir nonne et propose cet enfant à un couple homosexuel ami de Popov (Castor et Polux, qui deviennent donc les parents juridiques – régime de l’adoption).
4) Mais, après la disparition soudaine et mystérieuse de Castor et Polux, Adève est recueilli par une famille d’accueil (M. et Mme Ténardier qui sont ses parents sociaux).
Cette notion permet de cerner les niveaux, mais permet-elle de régler les problèmes ? On peut en douter … 
Imaginons qu’Adève, excédé par sa situation chez les Ternardier, décide de partir à la recherche de ses parents génétiques et biologiques. Après de longues recherches, Adève les retrouve : X veut bien le reconnaître, mais Y refuse (car elle a refait sa vie par ailleurs … avec le Dr Popov). Quelques temps plus tard, X rencontre Gaia (qui s’est entretemps convertie au bouddhisme) et décide de l’épouser ; mais, c’est à ce moment là, précisément que Castor et Polux, qui avaient été enlevés par Aqmi et retenus dans le désert pendant 10 ans, sont libérés par la DGSE … Comment se passeront les retrouvailles ? Qui sont les parents d’Adève ?
J'offre mon prochain livre (Petit almanach du sens de la vie, Livre de Poche, mars 2013) à qui trouve la solution … 

Pourquoi fait-on des enfants ?

 Chronique LCP du 23/01/2024 Bonsoir Pierre Henri Tavoillot, le nombre annuel de naissance en France est passé sous la barre des 700 000 en ...