mercredi 7 mai 2014

L'art de disserter en XX commandements

A l'approche du bac de philo pour les terminales et des examens pour les étudiants, un petit rappel sur les règles à suivre pour une dissertation, autrement dit quels sont les :

Les XX commandements de la dissertation


I• Reconnais en toute situation l'extrême intérêt du sujet que tu as la chance insigne de traiter, quitte à te demander en secret pourquoi on l'a pu choisir.
II• Construis une problématique en sachant que c'est elle qui t'empêche de répondre simplement par oui ou par non à la question posée. Sache que le plus difficile n'est pas tant de la trouver que de la formuler.
III• Jette la première phrase de ton introduction (elle est toujours mauvaise) et prends un soin particulier à trouver l'«idée amorce». Elle doit être générale sans être passe-partout (évite : «De tous temps les hommes …»), pertinente sans être trop complexe, intéressante sans être tirée de l'immédiate actualité. Veille à bien construire l'introduction (idée amorce, sujet, questions, enjeux, plan, thèse).
IV• Evite les plans qui tronçonnent le sujet, les plans chronologiques, les plans catalogues, les plans contradictoires, les plans où la première partie est consacrée à la définition des termes du sujet. En toute situation favorise la progression vers une réponse. Il s’agit d’une enquête et non d’un inventaire.
V• Assure toujours à la problématique une unité d'ensemble ; considère la dissertation comme une œuvre classique : unité de lieu, de temps et d'action.
VI• N'affirme jamais rien qui ne se discute et s'argumente. Sois un chercheur, non un prêcheur.
VII• Ne pose jamais de question sans y répondre effectivement. Une question sans réponse est comme un philosophe sans lunettes.
VIII• Ne juxtapose jamais deux idées si tu ne peux les relier. Adore la Transition, comme ton idole.
IX• Respecte toujours trois temps dans l'argumentation des idées : 1) exposition, 2) illustration, 3) discussion. Garde-toi de les quitter trop tôt ; leur vengeance est terrible.
X• Ne considère jamais rien comme une évidence ; au contraire, méfie-toi en, car s'il y avait des évidences, disserter serait vain.
XI• Méfie-toi comme de la peste des discours «à la mode» ou «de l'air du temps» : évite le relativisme de bon aloi («à chacun sa vérité», «à chacun sa morale»), l'écologisme béat («les menaces qui pèsent sur l'écosystème»), l'égalitarisme plat («personne n'est supérieur»), … ; préfère les idées construites aux idées reçues.
XII• N'expose jamais une doctrine pour elle-même, mais toujours comme le support de ta recherche sur le sujet.
XIII• Ne cite jamais de philosophe vivant : en dissertation, le seul bon philosophe est le philosophe mort.
XIV• Ne prétends jamais réfuter la doctrine d'un grand auteur — ce serait prétentieux et, de toute façon, irréalisable dans l'espace d'une copie — ; contente-toi d'en évoquer prudemment les «difficultés».
XV• Laisse entendre que tu en sais plus que tu n'en peux dire ; plutôt que de montrer que tu en sais peu en prétendant dire tout.
XVI• Elimine pourtant sans regret, ce que tu ne peux développer. Ne sois jamais allusif ou implicite. Si ceci ou cela vont sans dire, ils iront encore mieux en le disant.
XVII• Sois nuancé en toutes tes affirmations ; modère les de “conditionnels”, de «s'il est vrai» et de «semble-t-il» : ce sont les béquilles de la fausse modestie que tu préféreras toujours à la vraie prétention. Applique ce principe jésuite (ce sont les inventeurs de la dissertation) : tolerabilius si lateat (c’est plus acceptable si c’est caché)
XVIII• Sois toujours d'abord ton propre correcteur avant que de laisser ce privilège à autrui : il sera tenté d'en abuser.
XIX• N'applique jamais de recettes (ou commandements) de manière mécanique et sans réflexion ; quand bien même elles seraient énoncées par des autorités incontestables.

XX• … bref, sois intelligent (toujours), cultivé (si tu peux), sincère (si tu as le temps) et profond (si Dieu le permet).

Pierre-Henri Tavoillot

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