Le chapitre 2 est consacré à la question de la croissance,
tant de la population que de la production par habitant (PIB). Elle est
cruciale quand on parle des inégalités, car une forte croissance démographique
ou du PIB a un rôle « égalisateur » : la première diminue
l’importance des patrimoines issus du passé (de l’héritage) tandis que la
seconde favorise le travail au détriment des patrimoines accumulés. Donc la
croissance est un élément clé dans la réduction des inégalités. Or, de ce point
de vue, il faut déchanter, car, loin des idées reçues, une croissance annuelle
forte est tout à fait exceptionnelle dans l’histoire et dans la
géographie : elle concerne l’Europe des Trente glorieuses et le rattrapage
actuel des pays dit émergents. En revanche dans l’histoire, la norme est une
croissance très lente : celle de la population a décollé au XVIIIe siècle
et celle du PIB mondial a été en moyenne de 1,6% entre 1700 et 2012.
Encore faut-il percevoir qu’une croissance dite faible
(soit 1%) sur 30 ans plus représente un changement colossal de la population ou
de la richesse : c’est l’effet de « croissance cumulée ».
C’est
cette idée qui va nourrir la thèse à venir de Piketty : « un écart en apparence
limité entre le taux de rendement du capital et le taux de croissance peut
produire à long terme des effets extrêmement puissants et déstabilisants sur la
structure économique des inégalités dans une société donnée » (p. 131).
Les
prévisions concernant cette croissance sont donc à utiliser de manière fine. Du
côté de la démographie, c’est à un retour vers une croissance faible qu’il faut
s’attendre selon le « scénario central » de l’ONU : baisse de la croissance
démographique de 1,2% aujourd’hui à 0,8% en 2070/2100 ; baisse de la
croissance économique, ou plutôt retour à un état normal de croissance qui a
toujours été de 1% à 1,5% annuel (ce qui, encore une fois, est remarquable sur
le long terme). Une société où la croissance est de 0,1% se reproduit à
l’identique tandis qu’un taux de 1% garantit de profonds changements (p. 160).
A ce portrait de la croissance
Piketty ajoute une indication sur la stabilité des prix : la lecture des
romans du XIXe montre que celle-ci était totale (Jane Austen, Balzac, …) et que
l’on pouvait s’y référer comme une valeur sûre et immuable. Tout change avec le
XXe qui invente l’inflation : c’est la fin des repères monétaires stables.
Après ces apéritifs, nous attaquons
les choses sérieuses et la deuxième partie qui porte sur « La dynamique du
rapport capital/revenu »
… à
suivre